Ce ne sont pas des combattants, armes à la main mais ce sont des héros. Depuis le début de ce conflit sanglant en 2011, ils soignent, opèrent dans des conditions de soins le plus souvent minimales et dans un contexte souvent dangereux. Le Dr Mohamad Majed Bari, connu surtout comme le Dr Majed, a payé de sa vie un déplacement sur une route meurtrière. Il a été parmi les premiers médecins à avoir travaillé au sein de l’UOSSM, l’Union des Organismes Syriens de Secours Médicaux, et a été responsable du comité médical d’Alep pendant près d’un an. Il laisse une femme et deux enfants.

Voici quelques informations sur les circonstances de sa mort.

Le Dr Ahmed Babaneh d’AAVS a recueilli le témoignage du Dr Abou Mousab, le président du Conseil Médical d’Alep:
” J’étais aux urgence et l’afflux n’était pas plus que la normale, on vient m’interrompre et me dire que le Dr Majed a reçu un missile  et que sa dépouille est dans le couloir. Je n’y ai pas cru, je me suis pressé, j’ai ouvert le sac de dépouille, j’ai reconnu le visage de Majed, malgré le noirceur sur son corps. ça m’a anéanti.
On m’a dit qu’un autre médecin était avec lui dans la voiture et qu’il était aux urgences. Je l’ai pris en charge, il n’avait presque rien à part quelques grains de sable dans les yeux et souffrait d’un étourdissement dû à l’explosion. Un vieillard se trouvait aussi dans la voiture, il s’en est sortie indemne ”

Le médecin qui accompagnait le Dr Majed dans sa tournée et qui conduisait la voiture a dit à l’oncle du défunt:
” Il était vers 4 heures de l’après midi, on a fini Majed et moi notre tournée. On a pris le début de la fameuse route de Kastello, la seule route qui relie la ville d’Alep quasi assiégé à la campagne nord de la ville. Je conduisait et Majed était à coté de moi quand un a croisé sur la route un vieillard qui nous a arrêté. Je peux venir avec vous, nous demande-t-il. Majed lui dit, bien sûr. Il descend de notre voiture, et lui laisse la place de devant parce qu’il plus facile de monter par l’avant pour un vieillard.
C’est alors qu’on s’engage dans la portion de la route non abritée par les bâtiments et surtout à découvert par rapport au centre de renseignement de l’armée de l’air du régime. Cette portion est la seule portion dangereuse de la route où des missiles thermiques s’abattent plusieurs fois par semaine sur les véhicules qui passent là. On dit que rouler à plus de 120km/h permet d’éviter le missile qui ne peut pas suivre la source de chaleur quand elle se déplace à grande vitesse.
C’est là que j’ai senti l’explosion, je ne me rappelle plus rien de ce que s’est passé après.  ”

Le Dr Ahmed Bananeh a connu le Dr Majed:
”  Né en 1983, le Dr Majed, a terminé ses études de médecine à l’université d’Alep en 2007. Il s’est engagé depuis le début des événements et a apporté son soutien en tant que médecin à son peuple et ce malgré les pressions énormes de sa famille très engagée, elle, avec le régime. C’était un optimiste, toujours souriant.
Il a dû fuir sa ville et sa famille pour se réfugier en Turquie. Il a travaillé avec nous à UOSSM dès le premier jour de sa sortie du territoire. Il était le responsable de la région d’Alep de notre comité médical. Il s’est engagé en 2013 avec l’organisation “Physicians Across Continents”, mais il est toujours resté avec nous, nous accompagnant dans nos déplacements et tournées à Alep. Il habitait la ville de Killis avec sa femme, ses deux enfants et ses parents. Il était un père tendre, un fils reconnaissant et un mari aimant. J’étais ces derniers temps en permanence avec lui pour obtenir qu’il puisse faire sa spécialisation dans un centre hospitalier en France.
C’est en sortant de la ville d’Alep après sa tournée des hôpitaux de la ville qu’un missile thermique envoyé d’une zone sous contrôle de régime syrien a frappé son véhicule. Il est décédé sur le coup.”

Les médecins syriens paient un lourd tribut à la guerre qui ravage la Syrie. Ainsi que l’ensemble des professionnels de santé: infirmiers, secouristes, brancardiers, etc. Ils sont plusieurs centaines à avoir été assassinés, des milliers d’autres sont arrêtés et torturés. Pour certains, on est sans aucune nouvelle.

Loin de Kobané et de l’attention internationale, une guerre atroce se déroule en Syrie. Ceux dont le rôle est de soulager les souffrances de la population sont visés au même titre que des combattants de l’opposition, au mépris des règles internationales et des règles morales les plus élémentaires. La mort d’un médecin est toujours une horreur car ce sont des centaines de blessés qui ne peuvent plus bénéficier de ses soins.

Vous pourrez lire aussi le texte paru dans le Huffington Post le 6/11/2014 et signé de
Saher Sahloul, le President of The Syrian American Medical Society (SAMS):

http://www.huffingtonpost.com/zaher-sahloul/