Rencontre commission européenne - guerre en Syrie

Le 15 mars 2021 marqua le triste dixième anniversaire du conflit en Syrie. Durant tout le mois de mars, nous avons alerté les autorités publiques quant à la dégradation de la situation sanitaire en Syrie. Nous avons adressé une lettre au Président de la République et à la Commission européenne co-signée avec Médecins du Monde et appuyée par le député européen Raphaël Glucksmann, et nous avons été entendus ! Le 20 mai prochain, l'UOSSM France se rendra à Bruxelles pour rencontrer le commissaire européen M. Lenarcic en charge de l'aide humanitaire et de la protection civile, afin de faire entendre les besoins humanitaires pour la Syrie.

10 ans d’engagement pour un pays dévasté

Tout a commencé il y a 10 ans, au moment où résonna l'envie de liberté des Printemps arabes. Quand fut venu le tour de la Syrie. Mais leur envie de liberté s’est confrontée à une répression sanglante. Très rapidement les soignants syriens se sont mobilisés pour secourir les blessés, les civils victimes d’une révolte muée en guerre. Ils se sont alors retrouvés en première ligne d’une situation qu’ils n’avaient pas choisi. Face à leur appel à l’aide, la diaspora des médecins syriens s’est mise en branle pour les soutenir, les aider à sauver des vies, là où le système de santé officiel les avait bannis.

Nous, soignants français et franco-syriens, avons décidé d’agir à leurs côtés. Nous pensions que cela ne durerait que quelques mois. Nous avions tristement tort. 10 ans plus tard, nous sommes encore là, en Syrie, à apporter une aide humanitaire et médicale aux populations victimes du conflit. Nous ne nous en réjouissons pas, nous le déplorons de toutes nos forces. 

"Après 10 ans de conflit, le pays est en ruines, à genoux. Une économie nationale minée par une guerre qui s’éternise, une livre syrienne dévaluée significativement, une pauvreté qui s’accentue avec toutes les conséquences que l’on connaît : famine, maladies chroniques accentuées, surmortalité… La guerre en Syrie est loin d’être finie. Les conséquences de 10 ans de conflit sont bien présentes, toujours aussi désastreuses. La fragile accalmie que l’on nous dépeint, n’est que de façade." Dr Ziad Alissa, médecin-anesthésiste réanimateur, président UOSSM France. 

Attaques chimiques, entrave à l'aide humanitaire, bombardements aériens envers les civils et les hôpitaux... Depuis 10 ans, de nombreuses résolutions votées par le Conseil de sécurité des Nations unies n'ont jamais été appliquées. 10 ans que nous, soignants français et syriens, ne cessons de lancer l’alerte, d’interpeller les plus hautes sphères des États, gouvernements français, européens et des autorités internationales.

>> En savoir plus sur notre plaidoyer pour les 10 ans de guerre en Syrie <<

Le 20 mai prochain, nous espérons porter haut et fort la voix d'un peuple en détresse. 

Ce que l'UOSSM France demande pour la Syrie : 

 

1- La mise en place d'une nouvelle résolution du Conseil de Sécurité des Nations unies 

Depuis 10 ans, 923 soignants syriens ont été tués depuis le début du conflit, et plus de 600 attaques aériennes ou bombardements ont ciblé délibérément des hôpitaux et structures médicales. Qu’ils aient été tués, blessés, réfugiés ou déplacés, les soignants sont les héros et héroïnes de cette triste guerre. Ils s’efforcent de soigner malgré l’horreur. Nous avons récemment lancé une pétition "10 ans sous les bombes : stop aux bombardements des hôpitaux", où vous avez été près de 10 000 signataires à nous soutenir.

Les soignants syriens ont été témoins de la plus abominable des atteintes envers leur peuple, celle des attaques chimiques au chlore ou au gaz sarin sur les populations civiles. Au total, on dénombre près de 200 attaques chimiques depuis 2013, dont la plus effroyable à la Ghouta en 2013 faisant près de 1400 morts. Ce sont des crimes contre l’humanité restés impunis à ce jour, et en totale violation des résolutions 2118, 2209 et 2235 votées par le Conseil de sécurité des Nations unies, de la Convention internationale sur les armes chimiques, et des Conventions de Genève.

Des crimes contre l’humanité que l’UOSSM et nos collègues secouristes et soignants sur le terrain nous ont aidé à documenter.
“Depuis le début du conflit, les attaques chimiques sur les populations civiles sont régulières en Syrie. Nous les avons établies à travers nos investigations, en collaboration avec d’autres ONGS et des médecins sur place.” témoigne notre ancien collègue le Dr Hussam Al Nahhas, ancien coordinateur et expert chimique, biologique, radiologique et nucléaire au sein de l’UOSSM, à l’origine d’un rapport sur les attaques chimiques en Syrie.

En 2018, la résolution 2401 demandant une trêve de 30 jours consécutifs des hostilités afin d'acheminer une aide humanitaire en Syrie, n'a tout simplement jamais été appliquée. Nous demandons purement et simplement le vote d'une nouvelle résolution afin de cesser l'entrave à l'aide humanitaire sur le territoire syrien.

2- L’ouverture de tous les couloirs humanitaires en Syrie pour assurer un acheminement immédiat de l’aide internationale vitale 

13,4 millions de personnes ont besoin d’une assistance humanitaire, en 2021 en Syrie, dont la moitié sont des enfants. Aujourd’hui, l’aide humanitaire des ONG et des agences internationales sont les seules pourvoyeuses des besoins fondamentaux des populations civiles.

Cette aide humanitaire est aussi grandement entravée par le maintien précaire des couloirs humanitaires vers la Syrie. En juillet 2014, la résolution 2165 adoptée à l’unanimité, permettait aux agences humanitaires des Nations Unies et leurs partenaires, d’acheminer de l’aide humanitaire sans l’autorisation préalable des autorités syriennes.
Une résolution qui n’a eu de cesse d’être remise en cause notamment avec le bombardement de convois humanitaires, la réduction à un point de passage en juillet 2020 - avec la suppression des postes frontières d’Al Yarubiyah vers l’Irak, d’Al-Ramtha vers la Jordanie et de Bab El-Salam, vers la Turquie et le maintien d’un seul accès uniquement à Bab Al-Hawa à la frontière turco-syrienne pour un an jusqu’en juillet 2021.

Il est urgent de trouver une solution politique pour cesser l'entrave à l'aide internationale, et rouvrir l'ensemble des couloirs humanitaires en Syrie. 

3- Le déblocage de fonds d’urgence pour la réhabilitation du système sanitaire et des populations déplacées 

Le conflit en Syrie, c’est aussi l’histoire d’une tragédie migratoire. En 2021, 6,5 millions de personnes sont déplacées à l’intérieur du pays, dont 2,7 millions uniquement dans le nord-ouest du pays, et plus de 5,6 millions de réfugiés, soit la plus grande population de réfugiés enregistrée dans le monde pour une population initiale de 21 millions d’habitants avant la guerre.

Pour ceux qui ont décidé de partir, l’accueil et le droit d’asile sont loin d’être au rendez-vous. Pour ceux qui restent, ils subissent une catastrophe humanitaire, la pire depuis la Seconde Guerre mondiale, selon la Commission européenne. Les populations déplacées de guerre vivent dans une détresse humanitaire, où les options d'abris sont limitées, et où les combats ont provoqué la destruction de nombreuses infrastructures civiles. Les écoles, les hôpitaux, les boulangeries, les systèmes d’assainissement d’eau ne sont pas à la hauteur des besoins des habitants et sont même dans certains endroits inexistants.

En 2020, des déficits de financement importants ont été notés dans les domaines de l’eau, l’assainissement, l’hygiène (WASH), la santé et la protection ou encore l'alimentation avec la fermeture de plusieurs programmes. Pour l’année 2021, le Bureau de la coordination des affaires humanitaires de l’ONU, OCHA, estime à 4,2 milliards de dollars le montant nécessaire pour répondre aux besoins sur le terrain. 

“Aujourd’hui, se creuse de plus en plus un écart patent entre les moyens à disposition et les besoins réels sur le terrain pour assurer ne serait-ce que l’urgence vitale des populations.” Pr Raphaël Pitti , responsable formation UOSSM France

Alors que les besoins humanitaires augmentent, les financements publics se tarissent. A notre grand désespoir, nous fermons des programmes faute de moyens. L'UOSSM France a pour rôle de témoigner sur la situation alarmante en Syrie et appelle au déblocage de fonds européens pour réhabiliter le système sanitaire syrien.