Dr Abdulkader est né dans la ville de Raqqa en 1978. Diplômé de l’Université de Damas en 2005, il obtient sa spécialisation en médecine interne à l’aube de la guerre.

Avant 2011, il travaillait comme interne en endocrinologie. Comme beaucoup de médecins, il avait pour ambition de poursuivre ses études après la médecine interne. Mais la guerre lui en a empêché.

Le Dr Abdulkader a décidé de s’engager comme travailleur humanitaire dans un centre de santé communautaire depuis 2015, à Raqqa. A l’origine, le centre dans lequel il travaillait a été crée à son initiative avec l’aide d’autres collègues, qui a été par la suite soutenu par des ONG internationales afin de poursuivre leurs missions.

A Raqqa, l’hôpital s’appelait Abdukader, Ahmed, Nour.

A l’époque, le personnel médical était composé d'un médecin interne – le Dr Abdulkader, d'un pédiatre et d'un gynécologue. Il a continué de travailler dans ce centre jusqu’à fin 2016, mais a dû mettre fin à son activité à cause du conflit qui s’intensifiait.

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Une vie à Raqqa dans les mains de Daesh

Originaire de Raqqa, le Dr Abdulkader a vu sa ville natale plonger dans l’obscurité sous l’emprise de l’Etat Islamique.

En tant que médecin, il a vu la situation sanitaire se dégrader à grande allure. Il raconte :

« Dans la ville de Raqqa, les choses devenaient de plus en plus incontrôlables, il y avait de multiples factions armées. Ici, j'ai dû recourir à l'option la plus difficile, qui était la fermeture de notre centre de santé soutenu par l’aide internationale. Je n’ai eu d’autre choix que d’ouvrir une clinique privée pour exercer mon métier. Bien sûr, ce n'était pas mon ambition, mais toutes les organisations ont cessé de fonctionner parce que l'Etat islamique avait pris le contrôle, il fallait bien trouver d’autres solutions pour soigner les populations. En 2015, la situation était catastrophique et dans un contexte de guerre, de destruction et de bombardement quotidien de la ville, le travail médical dans la ville est devenu un gros problème. J'ai dû ouvrir une clinique privée à la campagne près de la ville de Raqqa. »

Lorsqu’il a quitté la ville de Raqqa, comme tout citoyen vivant dans la région, il a connu les drames et la peur des bombardements. Il a vécu des expériences traumatisantes. Il nous livre son témoignage poignant le jour où il a sauvé son frère d’un bombardement :

« Mon jeune frère a été exposé à des éclats d'obus proche de Raqqa. Moi, en tant que médecin, j'ai dû le soigner et suivre son état de santé. Aucun hôpital n’était assez proche pour soigner mon frère dans de bonnes conditions avec des chirurgiens, j’étais obligé de le soigner moi-même. Il avait une ouverture dans l'abdomen et une coupure dans le côlon. Il a eu des complications parce nous n’avions pas de salle stérile et nous manquions d’équipement médicaux. On était dans une simple maison. Mais je n’ai pas abandonné et son état s’est amélioré. »

 

La santé communautaire, l’enjeu primordial pour la population syrienne

Aujourd’hui, il réside dans la ville d’Al-Tabqah en tant que médecin d’un centre de santé primaire de l’UOSSM France. En plus de son travail avec l’UOSSM France, il a toujours exercé en parallèle en cabinet privé. Pour lui, les cabinets privés sont essentiels car dans certaines régions, il existe encore peu de centres soutenus par des ONG.

Malheureusement, les conséquences de la guerre et la crise économique que subit le pays ne permettent plus d’accéder aux soins dont la population a besoin. Les médicaments sont hors de prix, les populations ne peuvent subsister à leurs besoins vitaux.

« Pour les populations comme pour les médecins, la qualité des soins proposés dans les centres de santé gérés par les ONG est bien meilleur que dans les cliniques privées. Nous disposons de plus d’équipement et la gratuité des examens pour les patients nous permet d’exercer correctement notre métier en cas de pathologies plus complexes à traiter. Malgré cela, nous souffrons toujours de la pénurie de médicaments ou la difficulté d’approvisionnement en équipement médical. Dans la plupart des cas, nos commandes arrivent toujours en retard, ce qui pose des problèmes en matière de suivi de patients atteint de maladies chroniques. Nous avons toujours besoin de soutien de la part de la communauté internationale pour assurer la continuité de notre offre de soins. »

Marié depuis 2014 et père de 4 enfants, le Dr Abdulkader nous explique les difficultés de son engagement humanitaire face à sa vie familiale.

«Il est évident que notre quotidien en tant que médecins est difficile. Nous passons beaucoup de temps à travailler avec les ONG. Parfois nous devons aller aux hôpitaux pour les cas d'urgence. Gérer toutes ces responsabilités est difficile et fatiguant. Néanmoins, j'essaie de rester avec les enfants le plus longtemps possible. Ce sont des enfants. Ils ne sont pas conscients des conditions de mon travail. Ils veulent leurs père à côté d’eux tout le temps, c’est tout. J’aimerais bien faire ça et rester près d’eux mais le travail et mes engagements humanitaires m’en empêchent. Parfois je ne souhaite pas que mes enfants deviennent médecins à l'avenir, mais quand j'y pense, être médecin est le métier le plus utile au monde. J'espère qu'ils seront médecins pour sauver des vies. Surtout quand on soigne un patient et qu'il guérit, on se sent accompli. C’est une mission de vie extraordinaire. » 

 

Ici, l’hôpital, c’est eux

Depuis le début du conflit, près de 600 attaques aériennes ont ciblé les hôpitaux en Syrie. En 10 ans, plus de 900 soignants ont perdu la vie et 15 000 ont dû fuir la Syrie avec pour seule faute de sauver des vies. Pour ceux qui ont choisi de rester, ils manquent absolument de tout. Aujourd’hui, nous souhaitons rendre hommage et soutenir tous ces héros du quotidien qui font preuve de courage et de détermination pour mener leur mission à bien avec très peu de moyens. Après 10 ans de guerre et de destruction massive des infrastructures de santé, l’hôpital, c’est eux.

En Syrie, 70% du système de santé est détruit.

En cette fin d’année, aidez-nous à le maintenir  en vie !

Je soutiens l’UOSSM France avant le 31 décembre 2021 et je bénéficie d’une réduction d’impôt de 66% sur mon don.