Dans les territoires syriens qui échappent au contrôle du gouvernement, les bombardements, tant à l’arme lourde qu’aériens, provoquent des blessures dont les médecins syriens n’avaient qu’une vague connaissance théorique. Rapidement pour l’UOSSM, la nécessité de les former à la médecine de guerre s’est imposée. Le professeur Raphaël Pitti allait être la cheville ouvrière de ce projet. Ce spécialiste en médecine de guerre et en anesthésie réanimation, aujourd’hui universitaire, était médecin général dans l’armée française jusqu’en 2004. Guerres de Yougoslavie et du Golfe, conflits en Afrique, c’est un homme de terrain. Mais l’humanitaire n’est jamais loin. Le Service de Santé de l’armée apporte des soins aux civils partout où il est présent. Car à l’armée comme ailleurs, un médecin – et tout personnel de santé – se doit de porter secours à la population. Lorsque des infirmières bulgares sont emprisonnées en Libye alors qu’elles sont venues pour soigner, c’est tout naturellement qu’il se mobilise en leur faveur. Naturelle aussi sa réaction indignée un matin de septembre 2012 alors qu’il écoute la radio dans sa voiture. Le Dr Ahmed Bananeh de l’UOSSM parle sur France Culture des meurtres de médecins, des bombardements d’hôpitaux par le gouvernement syrien dans les territoires tenus par les forces rebelles. “C’était inédit. Et inacceptable! dit Raphaël Pitti. J’ai été sur de nombreux conflits, je n’ai jamais vu ça! J’ai contacté l’UOSSM et je leur ai dit: je veux aller voir ce qui se passe en Syrie”.

Fin septembre, il est en Syrie à l’hôpital de la ville de Dana à l’ouest d’Alep. Le troisième jour, l’hôpital est bombardé. Il part alors à Al Bab. Là, l’hôpital est déjà détruit. Il travaille dans une structure clandestine jusqu’au 6 octobre. Elle sera ciblée et détruite par un bombardement aérien le 16 octobre. (Voir notre article: http://www.aavs-asso.org/laviation-syrienne-a-bombarde-lhopital-de-fortune-dans-la-ville-al-bab/) “Je me suis rendu compte dans ces deux séjours que les médecins, infirmiers et secouristes étaient confrontés à des pathologies qu’ils ne connaissaient pas. De retour à Paris, j’ai proposé au Dr Bananeh de mettre en place une formation sur la prise en charge des blessés et traumatisés de guerre.”

A la faculté de Médecine de Metz où il enseigne, le professeur Pitti forme pendant une semaine six médecins franco-syriens, urgentistes et anesthésistes réanimateurs. Puis ils partent tous en février 2013 dans la région d’Alep. Cette première formation se déroule dans une école privée désertée, fenêtres occluses, souvent sans électricité et sous tirs constants à l’extérieur. Au bout de trois jours de formation pratique sur des mannequins, le premier Scud tombe sur Alep. Les stagiaires à peine formés devront aller avec leurs formateurs dans deux hôpitaux pour soigner et opérer les blessés qui affluent en nombre. Parmi ces 16 stagiaires, certains n’avaient pas leur diplôme. Internes ou simplement étudiants, la guerre a interrompu leurs études. Déjà, avant cette formation, ils procédaient à des opérations…

Les photos de la formation à l’hôpital Bab Al Hawa avec les docteurs Raphaël Pitti, Ziad Alissa, Hassan Abdullah et Amir Chaban.

 

Les six formateurs et leur superviseur repartent à Bab Al Hawa. Le centre de formation conçu par le Dr Pitti et équipé par l’UOSSM vient d’ouvrir ses portes. Là seront formés 32 médecins venus des zones de combat. Durant cette première formation, le médecin repère six stagiaires qui ont du potentiel. Ils seront les futurs formateurs. C’est eux qui animeront le prochain stage. Il se tient en mars. Les six médecins franco-syriens sont là pour les assister. Dès le stage suivant en avril, les médecins syriens sont les formateurs, leurs collègues de France ne sont là que pour superviser le stage. A l’issue de cette troisième formation, ils reçoivent leur attestation de formateurs. Aujourd’hui, les formations à Bab Al Hawa sont faites par ces médecins syriens avec un seul superviseur franco-syrien, le Dr Hassan Abdullah. Un deuxième centre a ouvert au Liban pour les médecins de la région de Homs et Damas. Il est dirigé par le Dr Amir Chaban. Le Dr Alissa Ziad de l’UOSSM est le coordinateur de l’ensemble du projet Formation. Il faudrait ouvrir un troisième centre à la frontière turque pour accueillir les médecins de Deir er Zor.

A la demande des médecins syriens, Chaque formation était complétée par une initiation à la prise en charge de blessés par attaque chimique. Le professeur Pitti prévoyait une formation plus approfondie mais tous ont été pris de court par l’attaque de grande ampleur du 21 août qui a fait près de 1350 morts. Malgré les tractations internationales autour de la destruction de l’arsenal chimique de l’armée syrienne, les médecins syriens restent mobilisés sur cette question. Et la formation garde son volet “attaque chimique”.

 

A ce jour, 280 médecins ont été formés à la médecine de guerre et autant de secouristes. En 2014, l’UOSSM organise des formations mobiles à Alep et d’autres villes.

Le Dr Raphaël Pitti peut se consacrer maintenant à autre chose. Huit centres de soins primaires gérés par l’UOSSM ouvrent bientôt leurs porte grâce à des financements européens. Ils accueilleront de très nombreux déplacés. Une formation est prévue. La première aura lieu en février. 16 médecins seront formés à la prise en charge d’urgences de type généralistes, pédiatriques ou gynécologiques.

 

Le Professeur Pitti avec un blessé

 

Le responsable du programme Formation de l’UOSSM, le Dr Ziad Alissa

 

Un stage de prise en charge des urgences obstétriques a été organisé à l’hôpital de Bab Al Hawa pour les médecins des centres de santé. Car de nombreuses femmes meurent en couches en Syrie du fait de la situation sanitaire actuelle.