Le Pr Raphaël Pitti lors d'une opération en Syrie

Le 15 mars 2021 sera l'occasion du triste anniversaire du conflit en Syrie. C'est aussi pour l'UOSSM, l'anniversaire de nos premiers engagements en tant que médecins humanitaires en Syrie. 10 ans déjà que nous sommes au cœur d'un conflit inédit de par sa longueur, de par son atrocité, et de par ses conséquences désastreuses sur toute la population d'un pays. 

A l'occasion de cette date anniversaire "symbolique", l'UOSSM France et ses médecins, le Dr Ziad Alissa et le Pr Raphaël Pitti, qui revient tout juste de sa trentième mission humanitaire en Syrie, se lèvent avec force pour dire que la guerre n'est pas finie en Syrie, que l'urgence est toujours aussi d'actualité. Nous interpellons l'Etat français et les autorités internationales afin qu'elles jouent leur rôle d'acteurs de la paix, et qu'elles viennent en aide aux soignants en Syrie, qui soignent depuis 10 ans sous les bombes.

"Il faut ouvrir les corridors humanitaires fermés depuis juillet 2020 par résolution du Conseil de sécurité."

 

Le Pr Raphaël Pitti revient de sa trentième mission humanitaire de formation de soignants en Syrie, ce 1er mars 2021. De retour de mission, il décrit une situation de catastrophe humanitaire devant laquelle il ne faut pas baisser les bras malgré un conflit qui s'enlise depuis 10 ans.

"Après 10 ans de guerre, même s’il y a une relative stabilité sur le plan de la violence, il n’empêche que nous avons des systèmes éducatifs et sanitaires complètement détruits. La crise économique se surajoute à cette détresse et nous risquons de voir se développer la famine en Syrie, ce fléau invisible qui n’existait pas auparavant.

Depuis 1 an, les grandes institutions renâclent à débloquer des fonds pour la Syrie. Les ONG sur le terrain, comme l'UOSSM, se voient dans l'obligation de suspendre ou de fermer des programmes médicaux. Derrière cette aide qui s'amenuise, c'est un centre de santé qui ferme, c'est une clinique mobile qui ne circule plus dans les camps, c'est terrible.

Sur le plan politique internationale, nous menons un plaidoyer auprès du Président français et de la Commission européenne, en faveur d'une trêve généralisée sur l'ensemble de la Syrie, de l'ouverture des corridors humanitaires, qui depuis juillet 2020 sont passés de 4 points de passage à un seul point de passage à Bab Al-Hawa, c'est inadmissible. Il en faudrait beaucoup plus pour assurer les besoins réels des populations." Pr Raphaël Pitti, responsable formation UOSSM France, médecin anesthésiste-réanimateur.

>> En savoir plus sur la dernière mission du Pr Raphaël Pitti en Syrie. <<

"Toute une génération de Syriens est complètement perdue, avec des enfants non-scolarisés, des millions de personnes qui habitent sous les tentes. Il y a un manque de tout."

 

Il y a 10 ans, le Dr Ziad Alissa faisait parti des médecins en France de la diaspora syrienne, qui ont répondu à l'appel à l'aide des soignants en Syrie.

"En 2011, quand les révoltes et le conflit a commencé, mes informations, je ne les tenais pas d'internet ou de la télévision. Je suivais les évènements au jour le jour avec mes contacts directs de mes anciens camarades de l'université de médecine à Alep. Ils me décrivaient une situation terrible. Moi qui n'avais jamais vraiment fait d'humanitaire auparavant, je me devais de répondre à leur appel. D'abord, nous avons envoyé des médicaments et du matériel médical. Très vite, nous nous sommes rendus compte que c'était insuffisant face à la tragédie qui se jouait sous nos yeux. Nous avons décidé avec les médecins syriens à travers le monde de nous constituer en ONG en fondant l'UOSSM, pour apporter une aide médicale et humanitaire coordonnée en Syrie, qui correspondait réellement aux besoins des soignants.

10 ans plus tard, à notre grand désespoir, la catastrophe continue. Même si nous avons l’impression que la guerre s’est arrêtée, les violences sont toujours d'actualité. Ce sont uniquement les bombardements intensifs qui ont cessé. Toute une génération de Syriens est complètement perdue, avec des enfants non-scolarisés, des millions de personnes qui habitent sous les tentes. Il y a un manque de tout. Il y a peu ou pas d’infrastructures que ce soient médicales, éducatives, eau, assainissement au sein des camps de déplacés. Nous faisons appel à l’aide internationale. Aujourd'hui, bien qu'essentielle, l’aide humanitaire n’est pas la seule solution. Envoyer des médicaments, de la nourriture n’est pas suffisant. Les populations ont besoin de vivre à nouveau en paix." Dr Ziad Alissa, président UOSSM France, médecin anesthésiste-réanimateur.

Notre plaidoyer pour la Syrie

• L'application de la résolution 2401 de 2018 du Conseil de sécurité des Nations unies, qui impose une trêve totale sur l’ensemble du territoire syrien.
• L’engagement de toutes les parties au conflit de se conformer à leurs obligations en vertu du droit international humanitaire, de protéger les populations et de garantir la protection des structures sanitaires.
• L’ouverture de tous les couloirs humanitaires en Syrie pour assurer un acheminement immédiat de l’aide internationale vitale.
• Le déblocage de fonds d’urgence pour la réhabilitation du système sanitaire, éducatif, alimentation, eau, logement.
• Laisser libre les organisations humanitaires d’intervenir sans restriction en Syrie.

A ce titre, l'UOSSM a mené plusieurs actions :

 

• Envoi d'une lettre avec l'ONG Médecins du Monde au président de la République française et à la Commission européenne.
• Lancement d'une pétition en soutien aux soignants syriens pour interpeller l'opinion publique.
• Organisation d'un webinaire avec Médecins du Monde le mardi 23 mars de 18h à 19h30 - Syrie : 10 ans sous les bombes, médecins syriens, médecins français : un engagement commun.

>> En savoir plus sur le webinaire organisé avec Médecins du Monde. <<

Elles et ils soignent depuis 10 ans sous les bombes 

 

Au lendemain des premières révoltes en Syrie, qui se sont très vite muées en guerre, des médecins de la diaspora syrienne et des médecins français se sont levés pour venir en aide à leurs collègues syriens et secourir les victimes. Caractère inédit du conflit en Syrie, les soignants sont en première ligne, empêchés d’apporter une aide médicale, eux-mêmes pris pour cibles. Depuis 10 ans, près de 600 structures médicales ont été visées de façon délibérée à plusieurs reprises par des attaques aériennes, et 923 soignants ont été tués (bombardements, raids aériens, tortures…). En 10 ans, la situation humanitaire n’a pas cessé de se dégrader, et atteint son paroxysme aujourd’hui avec seulement 50% du système de santé fonctionnel, alors même que 11,6 millions de Syrien.ne.s à travers le pays ont besoin d’assistance médicale.